Grâce à la révolution planétaire générée par le mouvement Me Too, la question du consentement est devenue centrale dans les débats sur la sexualité. On peut s’en féliciter et se dire que c’était nécessaire, tant la parole des femmes s’est libérée sur la question. Il est également permis de penser que la question du consentement peut ouvrir la voie à une question brûlante, celle de la confrontation avec notre propre désir.
Selon le petit Larousse, le verbe consentir signifie « accepter que quelque chose se fasse, tomber d’accord sur quelque chose, acquiescer. » Des synonymes sont proposés, tels que : admettre, accéder à, permettre, se résoudre, se soumettre, vouloir. Si l’idée générale de l’acceptation est présente dans la définition du consentement; les synonymes proposés évoquent néanmoins une palette de couleurs toute en nuances…
Ces subtilités, tout aussi présentes dans la sexualité, nous confronte à l’altérité, au désir de l’autre, et à notre propre désir. La femme que je suis, également Conseillère Conjugale et Familiale, chemine avec ces questions sociétales, qui nous bouleversent dans nos corps et nos représentations.
1. Dis-moi comment tu (me) fais l’amour, et je te dirai qui tu es/ aimes
Initialement, j’avais pensé écrire cet article sur l’articulation du sexe et de l’amour : « Aimer sans faire l’amour, et/ ou faire l’amour sans aimer ? »
Les clichés ont la vie dure, et encore en 2024, il m’arrive d’entendre que les femmes auraient besoin d’aimer pour faire l’amour, tandis que les hommes auraient besoin de faire l’amour pour aimer.
Sans chercher à confirmer ou infirmer cette représentation, il est clair que la sexualité féminine et la sexualité masculine fonctionnent différemment.
Pénétrer et être pénétré-e ne suscite pas les mêmes fantasmes.
Cette généralité peut être nuancée par toutes les variantes possibles que la vie sensuelle permet : caresses, massages, sexe oral, sexe pénétratif ou non pénétratif…
Il n’en demeure pas moins que la réceptivité du corps féminin, fait de creux et de courbes, n’est pas symétrique au corps masculin. Et cette asymétrie est l’un des ingrédients du désir, qui se nourrit d’altérité.
Selon l’ouvrage de Gary Chapman, intitulé "Les cinq langages de l’amour", chacun de nous exprime son attachement par une manière qui lui appartient. Ces différentes registres sont les paroles valorisantes, les moments de qualité, les cadeaux, les services rendus, le contact physique. Chacun de ces langages a de la valeur et révèle quelque chose de notre manière d’être, de notre construction personnelle et de notre manière d’apprivoiser le monde.
Toucher son ou sa partenaire est un mode relationnel qui permet d’éprouver du plaisir. Faire l’amour, entre partenaires adultes et consentants, sera pour certaines personnes, le lieu privilégié de l’expression de leur vie sentimentale. Chacun y développera des compétences érotiques spécifiques, quant à la manière d’entrer en relation avec l’autre, de lui faire plaisir, d’être à son écoute.
Pour certaines femmes, dans un contexte donné, le fait de s’en remettre à leur partenaire, pourra être un chemin vers le plaisir.
2. Consentir à s’abandonner dans le lien érotique
Consentir à s’abandonner, n’est-ce pas contradictoire ?
Le lien érotique, qui a trait à l'amour physique, au désir et au plaisir sexuels, peut être un lieu d’abandon de soi-même. Mais comment expliquer cette démarche ? Et à quoi fait-elle écho ?
« Je consens à m’abandonner à toi, parce que je te fais confiance et que tu m’emmènes loin de moi-même.
Je consens à m’abandonner à toi car je sais que tu n’en abuseras pas.
Je consens à m’abandonner à toi parce que lorsque tu me touches avec tes mains, quelque chose en moi chavire.
Je consens à m’abandonner à toi car mon corps brûle de désir pour toi.
Et je consens à m’abandonner à toi parce que certaines de mes frontières s’abolissent quand je suis au lit avec toi… »
S’abandonner dans l’amour physique peut éblouir le partenaire. Cela suppose que la femme jouisse d’une solide confiance en elle-même, ainsi que d’une estime d’elle-même bien établie.
La confiance en soi, comprise comme la croyance en sa capacité à faire quelque chose, pourra permettre, à la femme qui le désire, de consentir temporairement à s’en remettre au désir de l’homme, dans le cadre d’une délégation de sa souveraineté érotique de femme.
Et l’estime de soi, comprise comme la capacité personnelle à s’accorder de la valeur, sera un baromètre d’évaluation pour renouveler ou stopper l’expérience.
Cet abandon au lien érotique sera rendu possible par une relation de confiance, quelle qu’en soit la nature : sexuelle, amoureuse, conjugale. Si le degré d’implication relationnelle diffère, la confiance est nécessaire à l’épanouissement de l’intimité.
3. Vivre la révolution du désir, là où l’intime devient un espace créatif
L’intimité, comprise comme une familiarité qui unit deux personnes, repose sur un subtil dosage entre proximité et distance. Entre adultes consentants, il existe différentes manières de partager de l’intimité charnelle : massages, caresses, sexe oral, sexe pénétratif ou pas …
L’intimité charnelle, comprise comme lieu de rencontre et de confrontation des désirs, peut être créative, pour peu que chacun apprenne à y amener ce qui le met en joie, avec l'autre.
L’homme, comme la femme dispose de son propre réservoir fantasmatique et de limites personnelles. Tout n’a pas vocation à se partager ou à se vivre. Il conviendra d’éprouver ensemble ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, sans jugement.
Le comportement du partenaire en-dehors de l’activité sexuelle aura un impact non négligeable. Une femme qui se sent valorisée par son partenaire dans le sexe, mais négligée par lui en-dehors de ces moments, pourra voir sa disponibilité impactée.
Pour autant, je partage avec certains auteurs l’idée que la jouissance, pour la femme, est un lieu de connexion à sa puissance personnelle, et à son émancipation.
La marche des femmes le 20 janvier 2018 aura permis à plusieurs femmes célèbres, dont l’actrice Nathalie Portman, de prendre la parole sur ce qu’elles vivent et leur propre désir personnel. https://www.youtube.com/watch?v=b-tHzkUYsjU
Parce que les femmes n’ont plus envie d’être prise en étau dans des injonctions paradoxales, je terminerai avec ces quelques mots empruntés à cette artiste :
« Voici ce que je veux, voici ce dont j’ai besoin. Voici comment tu peux m’aider à avoir du plaisir.
Faisons ensemble la révolution du désir. »
Muriel Derouet, Conseillère Conjugale, Thérapeute de Couple
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